Sur tous les fronts contre l’antisémitisme

Du 14 au 16 décembre dernier, le département de Lutte contre l’antisémitisme de l’Organisation sioniste mondiale (OSM) tenait son séminaire annuel à Londres. Trois jours de réflexion, de rencontres et de débats pour mieux combattre la haine contre le peuple juif et l’État d’Israël.

 

Venus du Royaume-Uni, de France, d’Allemagne, d’Espagne, de Bulgarie, de Hongrie, de Russie, du Brésil, du Guatemala, des États-Unis ou encore d’Afrique du Sud, les participants s’étaient réunis dans un but précis : partager leur expérience d’un antisémitisme de plus en plus décomplexé, à l’œuvre aux quatre coins du monde, et des moyens les plus efficaces pour le contrecarrer.

 

Force revient à la loi

Après l’ouverture officielle de la conférence, deux personnalités ont pris la parole. La jeune et brillante juriste Natasha Hausdorff, leader de l’ONG UK Lawyers for Israel et spécialiste du droit des conflits armés, a rappelé que, d’un point de vue légal, Israël ne pouvait en aucune façon être considéré comme une puissance occupante et encore moins « coloniale ». Des arguments solides à opposer à ceux qui se prévalent de prétendues « violations du droit international » pour appeler au boycott de l’État juif.

 

De son côté, Angel Mas, président de l’association Action & Middle East Communication, a rendu compte de l’exceptionnelle influence de BDS en Espagne, en particulier dans les municipalités dirigées par le parti d’extrême-gauche Podemos. Largement financé par des subventions publiques, le mouvement antisioniste peut néanmoins être combattu avec succès sur le plan juridique, a expliqué l’orateur.

 

Des réseaux sociaux à la tribune de l’ONU 

Le lendemain, Lord Eric Pickles, ancien parlementaire et président de l’association Conservative Friends of Israel, a honoré l’assemblée de sa présence et de son humour britannique. Très investi dans la transmission de la mémoire de la Shoah, il a regretté l’accablante domination du négationnisme le plus abject sur la Toile et l’intensité des sentiments antijuifs d’une large part de la population. Il s’est néanmoins félicité de l’adoption, par le gouvernement de son pays, de la définition moderne de l’antisémitisme proposée par l’International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA), intégrant la dimension incontestablement antijuive de la critique systématique et exclusive d’Israël.

 

Par la suite, un panel consacré à l’antisémitisme en France et au Royaume-Uni a donné lieu à d’intéressants témoignages sur les actions de terrain menées par les associations pro-israéliennes contre BDS, gangrené par un antisémitisme « hardcore » selon le blogueur David Collier. Les intervenants sont notamment convenus que la bataille majeure se jouait sur Internet, en particulier sur les réseaux sociaux, et que la cible de la hasbara devait être la majorité silencieuse, sans opinion tranchée sur le conflit israélo-arabe.

 

Un second panel a rassemblé étudiants et jeunes adultes engagés dans la lutte contre l’agressive mainmise de BDS sur les campus, aux méthodes d’intimidation éprouvées. Les jeunes Juifs anglo-saxons ont soulevé l’inégalité de traitement réservée aux soutiens d’Israël, sommés de ne pas « offenser » les propalestiniens, alors même que ces derniers ne sont jamais inquiétés lorsqu’ils invitent un membre du Hamas à fouler au pied le droit du peuple juif à l’autodétermination. En revanche, les représentants hongrois et ukrainiens ont révélé que le mouvement antisioniste ne constituait pas (encore) une menace sérieuse dans leurs pays.

 

À l’issue du shabbat, un invité prestigieux, l’ambassadeur d’Israël à l’ONU Danny Danon, a répondu avec chaleur et enthousiasme aux questions de Paul Charney, président de la Fédération sioniste du Royaume-Uni et d’Irlande (lire interview ci-dessous).

 

Unité et fierté juives

L’ultime session du séminaire, le dimanche matin, a donné la parole aux militants qui souhaitaient évoquer leurs démarches et projets dans le domaine de la mémoire et de la lutte contre la désinformation, la discrimination et les démonstrations de haine antijuive.

 

Enfin, Yaakov Hagoel, vice-président de l’OSM et président du département organisateur, a conclu ce week-end riche d’enseignements par un vibrant discours. Reprenant les conclusions du rapport sur l’antisémitisme en Europe récemment publié par l’European Union Agency for Fundamental Rights, le responsable israélien a rappelé que 90 % des sondés ressentaient une hausse préoccupante de l’hostilité à l’égard des Juifs dans leurs nations respectives, que 30 % avaient subi des faits de harcèlement et que 80 % s’abstenaient de dénoncer les agressions dont ils avaient été victimes, persuadés que « cela ne changera rien ». Seule réponse à ce fléau : l’unité et la fierté juives, cristallisées par l’identité sioniste.

 

 

INTERVIEW

 

Invité d’honneur du séminaire, l’ancien député et ambassadeur d’Israël à l’ONU Danny Danon s’est prêté à une interview publique lors du séminaire de l’OSM, à l’occasion du 70e anniversaire de l’État juif.

 

Que signifie être ambassadeur d’Israël à l’ONU ?

Danny Danon : Il y a une énorme différence entre ce qui se passe dans la sphère publique et dans la sphère privée. Il arrive que des représentants de pays arabes, qui votent systématiquement contre Israël, dialoguent avec nous à l’abri des regards. Mon objectif est précisément de réduire cet écart. Nous sommes un pays important à l’ONU, peut-être pas dans le top 5, mais sûrement dans le top 10 !

 

Quel est votre plus grand défi aujourd’hui ?

  1. D. : Il faut que nous soyons davantage offensifs et moins sur la défensive. Nous devons défendre des résolutions pour faire condamner le terrorisme. C’est à force de persuasion que nous sommes parvenus à faire condamner le Hamas.

 

Quelle opinion prévaut à l’ONU sur le Hezbollah ?

  1. D. : Quelle serait la sanction de l’ONU si l’on découvrait des tunnels offensifs, capables de faire déferler des centaines de terroristes, dans d’autres pays ? Sur ce point, nous avons le soutien de la communauté internationale. Notre position est d’exposer ce problème aujourd’hui pour qu’elle comprenne contre quelle menace nous devons nous protéger.

 

Qu’en est-il du déplacement de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem décidé par le président Trump ?

  1. D. : Je remercie les États-Unis, qui ont ouvert la voie. Depuis, le Guatemala a suivi son exemple. L’Australie a décidé de reconnaître l’ouest de Jérusalem comme capitale d’Israël. Je voudrais simplement faire comprendre au gouvernement australien, amical envers Israël, que Jérusalem est indivisible. J’invite tous les autres pays à venir installer leur ambassade dans notre capitale pendant qu’il y a encore de bons emplacements à saisir !

Quelle est, selon vous, l’importance de la diaspora ?

  1. D. : Nous sommes une seule famille, même si nous avons parfois des désaccords. Vous êtes citoyens de vos pays, mais n’oubliez pas de donner la priorité à Israël lorsqu’il s’agit de politique. Il est inacceptable que des Juifs appartenant au parti démocrate américain aient contesté la décision de Donald Trump de déplacer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem.

Peut-on être sioniste sans vivre en Israël ?

  1. D. : Absolument. Le but d’un sioniste est de faire son alya, mais en attendant, soutenir Israël depuis la diaspora est très utile. D’ailleurs, on n’a pas besoin d’être juif pour soutenir Israël.

La menace majeure vient aujourd’hui de l’Iran. Que pouvez-vous nous en dire ?

  1. D. : L’Iran se trouve aujourd’hui au Liban et en Syrie et ne menace pas seulement Israël. Certains pays européens tentent de contourner les sanctions, mais les grandes entreprises, plus intelligentes que les gouvernements, se sont retirées. Nous devons faire en sorte que l’Europe se joigne sans réserves aux sanctions américaines. Il faut qu’elle réalise quel est le rôle de l’Iran dans le terrorisme mondial.

 

Quelle est la stratégie de long terme d’Israël vis-à-vis de la bande de Gaza ?

  1. D. : Nous avons quitté la bande de Gaza, qui dispose aussi, je le rappelle, d’une frontière avec l’Égypte. Je signale aussi que nous nous occupons plus des Palestiniens qu’eux-mêmes ne le font.

Quelles sont les relations d’Israël avec la Turquie aujourd’hui ?

  1. D. : L’ambassadeur de Turquie à l’ONU a servi à Tel-Aviv et connaît bien Israël. Erdogan instrumentalise Israël afin de s’affirmer en tant que le leader du monde musulman. C’est dommage, car nous avions autrefois de très bons rapports avec la Turquie. Aujourd’hui, elle soutient le Hamas…

Quelles seront les conséquences géopolitiques de la découverte, par Israël, d’importants gisements de gaz ?

  1. D. : Nous sommes reconnaissants de cette découverte envers D. Jusqu’ici, nous nous étions beaucoup plaints de n’être dotés d’aucune ressource naturelle ! Nous avons trouvé beaucoup de gaz et nous en vendons, discrètement, à la Jordanie et à l’Égypte. À l’avenir, nous souhaiterions en vendre à l’Europe.

Qu’en est-il des relations d’Israël avec la Russie ?

  1. D. : Nous menons un dialogue avec la Russie, car l’Iran s’installe durablement en Syrie et continue d’armer le Hezbollah. Ce sont des frontières déterminantes pour la sécurité d’Israël. Nous ne permettrons pas à l’Iran de poster des troupes sur le Golan syrien pour nous menacer.

Comment lutter contre le mouvement BDS ?

  1. D. : Vous êtres en première ligne dans ce combat. N’attendez rien de vos gouvernements. La meilleure façon de contrer BDS est de promouvoir le sionisme et d’imposer les règles du jeu.

 

Que vous inspire le départ de Nikki Haley de son poste d’ambassadrice des États-Unis à l’ONU ?

  1. D. : Je suis reconnaissant envers Nikki Haley pour le travail qu’elle a accompli et son soutien public d’Israël. Elle a participé aux événements que nous avons organisés à l’ONU pour Hanouka ou Pessah – nous ne cachons pas notre judaïsme dans notre poche ! On avait souvent l’impression que nous nous recopiions l’un l’autre tant nos positions et nos valeurs étaient proches.

Bibi Netanyahou a aussi prononcé de nombreux discours à l’ONU…

  1. D. : Vous savez, la plupart des interventions à l’ONU sont ennuyeuses, mais les gens viennent écouter Bibi, car ils savent qu’il se passera quelque chose ! Le Premier ministre se sert aussi de cette plate-forme pour s’adresser à Israël et aux pays du Moyen-Orient.

 

Quelle est l’évolution de la position de l’ONU à l’égard d’Israël depuis 1975 ?

  1. D. : Les choses se sont améliorées grâce à nous et à des personnes telles que Nikki Haley. Nous pouvons de nouveau parler au secrétaire général, qui s’implique dans le combat contre l’antisémitisme. Nous y affirmons nos revendications vis-à-vis de l’Iran et du Hezbollah.

 

L’engagement humanitaire, technologique et agricole d’Israël est-il reconnu à l’ONU ?

  1. D. : À l’ONU, non, mais il est reconnu par ceux qui en bénéficient, car les gens pensent d’abord à leur développement. Cela peut néanmoins avoir des répercussions à l’ONU, car la voix d’un petit pays comme la République de Palaos compte autant que celle de la Russie à l’assemblée générale. Nous sommes performants dans le domaine humanitaire, mais nous devons faire davantage pour partager notre technologie dans la perspective juive du tikun olam.

 

Y a-t-il une évolution à l’égard d’Israël au sein des pays africains ?

  1. D. : L’Afrique est un grand continent. Nous y avons beaucoup construit, et certains États se demandent aujourd’hui pourquoi ils ne travailleraient pas avec nous. D’une manière générale, travailler ensemble est la meilleure recette du succès.